Le portail de Saint Loup de Naud
Les touristes qui laissent leurs remarques sur les Livres d’Or placés dans l’église, viennent du monde entier. Cette renommée de Saint-Loup de Naud, aussi bien dans le monde éclairé des architectes, des historiens de l’art que dans celui des amateurs, lui vient de ce magnifique portail parfaitement conservé à l’abri de son porche à baie unique, qui s’ouvre sur trois côtés. La lecture de ce portail pourrait à elle seule demander un livre entier.
Si on se place au niveau d’un pèlerin ordinaire de ce début du onzième siècle, lui qui ne sait ni lire ni écrire, il verra ce que nous voyons moins de nos jours, que l’Église est ici triomphante. Il pourra demander l’intercession de la Sainte Vierge, placée centralement sur le linteau, entourée des apôtres, en implorant d’abord son Saint Patron Saint Loup, mortel vénéré, placé à l’honneur, au trumeau et remonter jusqu’à Dieu en majesté dans sa mandorle, au tympan. "Cette théophanie organisée sur le portail de Saint-Loup, explique bien « les rôles intercesseurs et les pouvoirs des saints personnages, dans le schéma général de la Dispensation divine "(Clark Maines Université de Wesleyand USA). L’Église hébraïque, représentée par Saint Pierre, Salomon et Isaïe accompagnera ses prières et en pendant, l’Église Universelle représentée par Saint Paul, la Reine de Saba et Jérémie le réconfortera. Ces magnifiques statues-colonnes comme on les nomme à l’heure actuelle, étroites et élégantes, sont presque, à Saint Loup, des bas-reliefs car elles sont comme enfoncées dans la pierre, ce qui rehausse encore leurs positions hiératiques et leur beauté qui semble presque orientale. Leurs visages d’homme et de femme, bien personnalisés, sont cependant comme hors de l’humain et l’artiste nous communique un véritable sentiment qui fait de la statuaire de Saint Loup une sculpture hors norme. Le visage de Saint Loup, suivant l’angle du regard, et la lumière du jour, peut apparaître d’une grande bonté, d’une grande assurance, d’une douceur attendrie, d’une beauté virile, ou d’une piété incommensurable. On voit bien que le sculpteur a mis toute son attention sur le Saint Protecteur dont l’abbaye possédait les reliques et par conséquent attirait les croyants qui laissaient leurs oboles au monastère. Nous touristes, chrétiens ou profanes, qui savons lire et écrire, nous n’avons plus besoin de ces "BD" de pierre, mais le sculpteur de Saint-Loup nous a quand même laissé au-delà de la croyance naïve et forte du douzième siècle français, un autre message : la trace universelle de l’art.
Et si vous arrivez par l’ouest, un beau soir d’été, quand le soleil couchant illumine ces personnages, vous ne les verrez pas bouger, car nous ne croyons plus aux miracles, mais restez-là… assis sur les marches du porche, contemplez-les jusqu’aux derniers rayons… et vous vous sentirez meilleurs….